Désorceler la Finance

Désorceler la Finance


Désorceler la finance est un laboratoire sauvage indépendant et autogéré. Cet espace transdisciplinaire qui réunit artistes, chercheur·euses et activistes a été fondé en 2017 et compte aujourd’hui une quinzaine de membres. Il interroge le « pouvoir sorcier » de la finance et cherche à raviver « nos forces sorcières » pour retrouver les capacités d’imaginer d’autres modèles de production et de répartition de la richesse. Il emprunte à Jeanne Favret-Saada, son concept de désorcèlement pour en faire une méthode de travail. « Désorceler » est entendu comme une manière de retourner le maléfice à l’envoyeur pour se libérer de son emprise et se redonner une capacité d’agir, un pouvoir de faire. Le Laboratoire produit une recherche pour et avec les non-expert·es. Pour cela, il crée et expérimente des dispositifs participatifs comme des performances dans l’espace public (Rituels de désenvoûtement de la finance, 2017-2022), des dispositifs conversationnels sous forme de cartomancie collective (Ré-ouvrir les horizons, 2018-2022*),* des expositions itinérantes à géométrie variable (Cabinet de curiosités économiques, 2017-2022), des formes de narration spéculative (Glossaire de la finance et de la sorcellerie, 2019-2022 ; Traité – Déclaration relative au désenvoûtement de la finance et aux conditions d’existence des alternatives, 2019 ; Anomalies sorcières, 2021-2022).

Ce qui nous anime :
– Recourir à l’imagination et aux récits comme de véritables composantes de la recherche, des façons de faire de la recherche.
– Expérimenter des rituels collectifs pour se donner de la force.
– Imaginer des dispositifs collectifs dans lesquels l’expérience et l’échange sur la finance et ses conséquences peuvent avoir lieu sans connaissances préalable.

Prochaines activités :

Parmi les axes de recherche que du Laboratoire en ce moment :
– Glossaire : Les membres du Laboratoire travaillent sur le pouvoir performatif des mots de la finance et de la sorcellerie. La parole, les formules et le lexique sont examinés et modelés au regard de leur puissance spéculative. Ainsi est né le Glossaire de la finance et de la sorcellerie contenant des mots mutants, des mots réappropriés et redéfinis, des mots détournés ou conjurés pour en écarter les influences néfastes, des mots subversifs et des néologismes qui viennent pallier des manques. Les mots contenus dans le glossaire appartiennent, pour la plupart, à l’une de ces trois catégories : la magie ou la sorcellerie, où l’on découvre des méthodes, des protocoles, des idées, des images et des mots pour se défaire d’une emprise (potion, incantation, amulette, brouillarge, Murdurula, rituel, conjuration, etc.) ; la finance, où l’on comprend la nature de son emprise, sa logique de fonctionnement, ses objectifs ainsi que ses méthodes pour « nous embrouiller » (dette, tauxicomane, Wall Street, Hedge fund, banque, brouilleur d’idée, accumulation, paradis (fiscal), etc.) ; l’action, la création et la lutte, où l’on explore des pratiques collaboratives, créatives et contestataires pour se réapproprier nos propres imaginaires et capacités d’agir (grêver, occupation, (nous) débrouiller, interférences, vernaculaire, blob, etc.).

– Microcosmogrammes : Un microcosmogramme est une forme de cartographie qui combine le microcosme, le local, le palpable aux cosmologies, aux écosystèmes, aux structures capitalistes. Le Laboratoire travaille actuellement sur un microcosmogramme qui rend compte des mouvements et des forces qui agitent les enjeux du logement à Bruxelles. Il oppose deux hémisphères comme deux points de vue d’une même situation : une vision capitaliste contre une vision sociale du logement, entre lesquelles s’intercalent des protections publiques à géométrie variable. Mais si ces « points de vue » s’opposent, les acteur.rices et leurs positions ne sont, quant à elles, jamais fixes. Ce qui nous intéresse, c’est justement de faire apparaître et localiser les zones de frictions, les passages, les confrontations, les liens et les emprises diverses. Les microcosmogrammes se présentent comme des supports de projection (de stratégies, de luttes, de fictions), ils ne représentent ni une théorie, ni un espace physique mais tentent de penser, par le dessin à plusieurs mains, une approche sociale et écologique de la ville.

Pour une approche écologiste des pandémies

Pour une approche écologiste des pandémies

Le vendredi 2 avril dernier, Mycelium organisait une rencontre intitulée « Penser conjointement écologie et réponses face à une épidémie », dans le cadre du cycle « Pandémie et écologie, lire le présent et construire l’avenir« .

Ce cycle est né du constat qu’il est encore très difficile, un an plus tard, d’appréhender les enjeux écologiques, sociaux et politiques qui se jouent à travers cette pandémie, les aspects qui nous empêchent de prendre la parole en tant qu’acteur.rice.s, de proposer des contre-discours et des contre-propositions face à une gestion sanitaire présentée comme l’unique voie possible.

Pour cette première rencontre, nous avons invité Anne Vergison, médecin pédiatre et infectiologue, pour se réapproprier une série de questions liées à la pandémie de Covid-19 et ébaucher une critique écologiste et politique de cette pandémie et de sa gestion.

Une synthèse écrite de cette rencontre est disponible ici!

Vous pouvez également revoir une partie des interventions d’Anne Vergison, invitée pour cette première rencontre, via les questions-réponses reprises en vidéo ci-dessous.

Extraits vidéos de l’entretien avec Anne Vergison, réalisé par Jérémie Cravatte

Jérémie : Anne, je t’ai entendue pour la première fois sur la ZAD d’Arlon. Tu es pédiatre, infectiologue et spécialiste en santé publique, mais pourrais-tu te présenter plus longuement et dire notamment le rôle que tu joues durant cette pandémie? Qu’est-ce qui te préoccupe en particulier depuis ta position?

Jérémie : Quels liens pourrais-tu faire entre destructions écologiques, capitalisme et l’apparition de nouveaux virus, plus particulièrement des zoonoses responsables aujourd’hui d’environ ⅔ des maladies émergentes?

Jérémie : Quels points communs (ou différences) peut-on voir entre la gestion de cette épidémie et celle d’autres épidémies apparues plus tôt (H1N1, SARS, Ebola, Zika,..)?

Jérémie : Si on regarde la manière dont l’épidémie-ci de COVID-19 a été gérée dans différentes régions du monde, qu’est-ce qui a dicté les choix faits en Europe? Aurait-on pu imaginer y répondre autrement?

Jérémie : On se dit en t’écoutant qu’un élément manquant dans cette gestion et dans la manière d’envisager les politiques de santé publique est celui d’une meilleure prévention et information à l’opposé d’une gestion basée sur la répression. Qu’en penses-tu?

Jérémie : Alors qu’on a pu entendre au début de l’épidémie que « tout le monde est égal face au virus », on voit aujourd’hui que ce n’est pas du tout le cas, au point que certain.e.s parlent de « syndémie » plutôt que de pandémie. Peux-tu nous dire qui sont aujourd’hui les plus impacté.e.s par cette épidémie?

Questions d’autres personnes participantes :

Question : On peut voir que la primauté donnée aux valeurs économiques a conduit à l’aggravation de cette pandémie, or aujourd’hui, on ne fait que parler de relancer l’économie, sans questionner les fondements du système. Comment peut-on porter un discours de sortie de l’épidémie qui ne soit pas celui d’une relance de l’économie et de la consommation ?

Question : On nous a souvent laissé penser, durant cette pandémie, qu’il fallait uniquement laisser parler « les experts » car on ne pouvait pas maîtriser les questions techniques propres à une telle pandémie. Or on voit ici que le débat politique est en fait d’autant plus important durant de tels moments de crise. Alors, que peut-on faire en tant qu’acteurs de la société civile pour se mobiliser face à cette pandémie et proposer des alternatives à la manière dont elle est gérée actuellement ?

Question : Justement, que peut-on dire du rôle pris par « les experts » durant cette pandémie?  Qui ont été les personnes mobilisées comme experts, quelles sont les voix qu’on entend (trop) et celles qu’on n’entend pas (assez) et quels impacts cela a sur la gestion de l’épidémie?

Question : Au fond, on peut voir qu’un des problèmes est de toujours agir en réaction et qu’une telle épidémie n’ait pas été mieux anticipée et préparée par les autorités, alors qu’on pouvait s’attendre à ce qu’un tel événement se produise. Pourquoi n’arrive-t-on pas mieux à préparer et anticiper de telles épidémies ? Ne faudrait-il pas passer vers une logique  de « sentinelle » qui vise plutôt à protéger la biodiversité en amont que de lutter en aval contre les virus ? (avec Paul Hermant, des actrices et acteurs des temps présents)

Question : Certains pays à travers le monde, en Asie, en Australie, en Nouvelle-Zélande, semblent avoir beaucoup mieux maîtrisé la situation. Au-delà de certains points incomparables (îles, densité de la population, etc.) qu’est-ce qui peut expliquer cela? Qu’est-ce que ça peut nous apprendre sur nos propres politiques de santé publique?

Question : Peut-on en Europe imaginer mener une telle politique de « Zéro Covid », de lutte réelle contre le virus, telle que menées dans certains pays (et comme l’appellent notamment les auteur.rice.s de la carte blanche Zéro Covid Solidaire ) ou doit-on se résigner à « vivre avec le virus » comme on l’entend souvent?

Question : Quelles sont les chances de succès d’une stratégie de sortie de crise presque uniquement basée sur la vaccination?

Question : Comment peut-on lutter contre le climat d’anxiété ambiante provoqué par cette pandémie, à travers la peur de la maladie, la peur de la précarité, la peur même de voir ses proches, ou de rencontrer de nouvelles personnes? Quelles conséquences peut-on voir en termes de santé mentale?

Pour aller plus loin :